J. H. Lamberts uncl A. G. Kaestners Briefe.
27
XVI.
Lambert an Kaestner
30. April 1770.
Dans l’esperance que ma precedente du 30 7 bre passe Vous soit
parvenue je Vais repondre ä l’honneur de la Vötre du 7. Oct. dans laquelle
Vous eutes Monsieur la bonte de m’avertir de l’envoy de Vos excellentes
dissertations mathematiques et physiques. J’ai regu cette lettre vers
la fin du decembre et les dissertations m’ont ete remißes par M. X i c o 1 a i
le 14. Janvier. J’ignore la cause de ce double delai, quoique du reste
•si Sache qu’assez souvent les libraires sont des Commissionaires aßez
negligens vis ä vis des personnes aux quelles ils esperent de pouvoir
rendre des ouvrages lorsqu’elles n’en regoivent point en forme de pre-
sent. Quoiqu’il en soit, Vous m’avez fort oblige, Monsieur par les deux
que Vous veniez de me faire. Je n’ai pas manque de presenter ä notre
Academie un exemplaire tant des dissertations que du discours sur
la justice divine. Elle les agrea avec reconnaißance et me chargea
de Vous en assurer.
J’ai lu Monsieur dans Vos gelehrten Anzeigen l’extrait dont Vous
m’avez parier, touchant mon memoire sur la figure de l’Ozean. Je
crois y reconnoitre le style de Mr. de Haller et la fagon dont il croit
toujours pouvoir quinteßentier ses extraits mais qui ne reußit pas
toujours. Cet extrait du reste ne me fache point du tout. Je ne sais
pas meine trop bien en quoi je dois reßembler ä Homere lorsque dans
mon memoire je regarde l’Ocean comme une grande Riviere qui circule
autour de la terre. S’il croit que je me contente de depeindre les objets
il n’a pas tant tord. Et s’il croit que je les fais ä la Homere c’est plutot
un eloge qu’un blame. On m’a dit ici ingenuement que dans l’idee que
je presente dans ce memoire il y a quelque chose de grand. Enfin si
j’y ai etabli que les angles saillants sont opposes aux Angles rentrans,
ce n’a pas ete parce que Ms. de Buff on et Bourguet l’ont dit, mais
parce que tout le monde connoit le parallelisme des vallees et celui des
rivieres. Toute vallee formee par le decoulement des eaux doit avoir
un semblable parallelisme. Mais je n’ai jamais dit que ce decoulement
soit l’unique cause. Il ne fait point fendre des rochers, et il a y des vallees,
oü deux rochers opposes l'un ä l’autre ont empeche les eaux delargir
les vallees autant que leur decoulement naturel l’auroit fait s’il avoit
ete libre. Tel est en grand le detroit de Gibraltar, ou la mer mediterranee
devoit etre plus ouverte qu’elle ne Test vers le milieu. Mais dans mon
memoire j ’ai renonce ä ces sortes de details, disant qu’il y en a beaucoup
plus qu’on ne sauroit s’imaginer. Du reste ce memoire roule sur un sujet,
dont chacun croit pouvoir penser differement. Je me suis en partie servi
27
XVI.
Lambert an Kaestner
30. April 1770.
Dans l’esperance que ma precedente du 30 7 bre passe Vous soit
parvenue je Vais repondre ä l’honneur de la Vötre du 7. Oct. dans laquelle
Vous eutes Monsieur la bonte de m’avertir de l’envoy de Vos excellentes
dissertations mathematiques et physiques. J’ai regu cette lettre vers
la fin du decembre et les dissertations m’ont ete remißes par M. X i c o 1 a i
le 14. Janvier. J’ignore la cause de ce double delai, quoique du reste
•si Sache qu’assez souvent les libraires sont des Commissionaires aßez
negligens vis ä vis des personnes aux quelles ils esperent de pouvoir
rendre des ouvrages lorsqu’elles n’en regoivent point en forme de pre-
sent. Quoiqu’il en soit, Vous m’avez fort oblige, Monsieur par les deux
que Vous veniez de me faire. Je n’ai pas manque de presenter ä notre
Academie un exemplaire tant des dissertations que du discours sur
la justice divine. Elle les agrea avec reconnaißance et me chargea
de Vous en assurer.
J’ai lu Monsieur dans Vos gelehrten Anzeigen l’extrait dont Vous
m’avez parier, touchant mon memoire sur la figure de l’Ozean. Je
crois y reconnoitre le style de Mr. de Haller et la fagon dont il croit
toujours pouvoir quinteßentier ses extraits mais qui ne reußit pas
toujours. Cet extrait du reste ne me fache point du tout. Je ne sais
pas meine trop bien en quoi je dois reßembler ä Homere lorsque dans
mon memoire je regarde l’Ocean comme une grande Riviere qui circule
autour de la terre. S’il croit que je me contente de depeindre les objets
il n’a pas tant tord. Et s’il croit que je les fais ä la Homere c’est plutot
un eloge qu’un blame. On m’a dit ici ingenuement que dans l’idee que
je presente dans ce memoire il y a quelque chose de grand. Enfin si
j’y ai etabli que les angles saillants sont opposes aux Angles rentrans,
ce n’a pas ete parce que Ms. de Buff on et Bourguet l’ont dit, mais
parce que tout le monde connoit le parallelisme des vallees et celui des
rivieres. Toute vallee formee par le decoulement des eaux doit avoir
un semblable parallelisme. Mais je n’ai jamais dit que ce decoulement
soit l’unique cause. Il ne fait point fendre des rochers, et il a y des vallees,
oü deux rochers opposes l'un ä l’autre ont empeche les eaux delargir
les vallees autant que leur decoulement naturel l’auroit fait s’il avoit
ete libre. Tel est en grand le detroit de Gibraltar, ou la mer mediterranee
devoit etre plus ouverte qu’elle ne Test vers le milieu. Mais dans mon
memoire j ’ai renonce ä ces sortes de details, disant qu’il y en a beaucoup
plus qu’on ne sauroit s’imaginer. Du reste ce memoire roule sur un sujet,
dont chacun croit pouvoir penser differement. Je me suis en partie servi