nastique de celui-ci. Le Buddha aurait eu l'apparence d'un personnage
nu ou semi-nu, sans aucun indice (/a^ya/m) qui permette de l'identifier
comme Buddha. 11 fallait done opposer le visage nu du Buddha a la ro-
be monastique qui lui couvre le corps, d'ou le choix d'un rendu en clair
pour cette robe. Comment des lors laisser apparaitre les mains et les pi-
eds du Buddha, details auxquels l'artiste attachait apparemment une
grande importance, et comment montrer le pigeon refugie dans les bras
du Buddha? La seule solution etait de reserved un espace vide (som-
bre) au milieu du corps du Buddha, et d'y dessiner le pigeon, les mains
et les pieds qui apparaissent alors en clair sur fond sombre. C'est ainsi
que le corps du Buddha nous parait perce en son milieu d'une grotte ou
s'est refugie le pigeon. 11 n'y a la aucune volonte de montrer un espace
creux; il s'agit d'une reserve, e'est-a-dire du seul procede technique pos-
sible qui permette a un peintre ou a un dessinateur ayant a sa dispositi-
on deux couleurs seulement de dessiner un objet en surimpression sur
un autre. Un sculpteur aurait joue sur la difference de profondeur des
differents plans. Mais le triptyque de Shatial n'est pas une sculpture,
c'est un dessin, ou une gravure.
Lutilisation de ce procede donne au spectateur non averti l'illusion que
le Buddha est assis dans une grotte. 11 est en fait assis sur un trone (une
simple surface plane) a degres. Si l'artiste n'avait pas tenu a dessiner un
arbre, le dessin serait immediatement comprehensible: nous verrions un
personnage en clair assis sur un fond sombre, fond peut-etre delimite
par une ligne blanche lui dormant l'aspect d'une mandorle. Mais, com-
me nous l'avons vu plus haut, le dessinateur de Shatial tenait a occuper
toute la surface disponible. Son gout le portait a dessiner une a une ces
dizaines de branches et de feuilles iconographiquement inutiles. Pour
montrer le Buddha en surimpression sur le trone et les feuilles de l'ar-
bre, il n'avait pas d'autre moyen que de le dessiner sur un fond noir re-
serve. C'est la limite blanche de cette reserve qui donne l'impression
que le Buddha est assis dans une grotte. Mais il n'y a pas de caverne, et
pas davantage de creux menage au centre du corps du roi des Sibis. De
76 En gravure et peinture, on designe sous le nom de 'reserve' toute surface soustraite
momentanement, a l'aide d'un isolant ou autrement, a faction d'un colorant, d'une
encre, d'un acide etc. L'artiste aurait egalement pu dessiner les plis de la robe mo-
nastique, comme cela a ete fait sur le relief du sermon de Benares a Thalpan
(FUSSMAN 1994a: 67), mais ce procede aurait egalement necessite l'emploi d'une
reserve pour representer le pigeon, les mains et les pieds.
22
nu ou semi-nu, sans aucun indice (/a^ya/m) qui permette de l'identifier
comme Buddha. 11 fallait done opposer le visage nu du Buddha a la ro-
be monastique qui lui couvre le corps, d'ou le choix d'un rendu en clair
pour cette robe. Comment des lors laisser apparaitre les mains et les pi-
eds du Buddha, details auxquels l'artiste attachait apparemment une
grande importance, et comment montrer le pigeon refugie dans les bras
du Buddha? La seule solution etait de reserved un espace vide (som-
bre) au milieu du corps du Buddha, et d'y dessiner le pigeon, les mains
et les pieds qui apparaissent alors en clair sur fond sombre. C'est ainsi
que le corps du Buddha nous parait perce en son milieu d'une grotte ou
s'est refugie le pigeon. 11 n'y a la aucune volonte de montrer un espace
creux; il s'agit d'une reserve, e'est-a-dire du seul procede technique pos-
sible qui permette a un peintre ou a un dessinateur ayant a sa dispositi-
on deux couleurs seulement de dessiner un objet en surimpression sur
un autre. Un sculpteur aurait joue sur la difference de profondeur des
differents plans. Mais le triptyque de Shatial n'est pas une sculpture,
c'est un dessin, ou une gravure.
Lutilisation de ce procede donne au spectateur non averti l'illusion que
le Buddha est assis dans une grotte. 11 est en fait assis sur un trone (une
simple surface plane) a degres. Si l'artiste n'avait pas tenu a dessiner un
arbre, le dessin serait immediatement comprehensible: nous verrions un
personnage en clair assis sur un fond sombre, fond peut-etre delimite
par une ligne blanche lui dormant l'aspect d'une mandorle. Mais, com-
me nous l'avons vu plus haut, le dessinateur de Shatial tenait a occuper
toute la surface disponible. Son gout le portait a dessiner une a une ces
dizaines de branches et de feuilles iconographiquement inutiles. Pour
montrer le Buddha en surimpression sur le trone et les feuilles de l'ar-
bre, il n'avait pas d'autre moyen que de le dessiner sur un fond noir re-
serve. C'est la limite blanche de cette reserve qui donne l'impression
que le Buddha est assis dans une grotte. Mais il n'y a pas de caverne, et
pas davantage de creux menage au centre du corps du roi des Sibis. De
76 En gravure et peinture, on designe sous le nom de 'reserve' toute surface soustraite
momentanement, a l'aide d'un isolant ou autrement, a faction d'un colorant, d'une
encre, d'un acide etc. L'artiste aurait egalement pu dessiner les plis de la robe mo-
nastique, comme cela a ete fait sur le relief du sermon de Benares a Thalpan
(FUSSMAN 1994a: 67), mais ce procede aurait egalement necessite l'emploi d'une
reserve pour representer le pigeon, les mains et les pieds.
22