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Emmanuèle Caire
La précision apportée ici par Malalas sur la position relative des deux établissements
primitifs a sans doute moins pour fonction de fournir une information sur l’emplace-
ment exact de la fondation de Séleucos que d’esquisser, avec cet alignement de lopolis
et de Bottia par rapport à l’Oronte, la continuité de la future Antioche.
Cette disposition initiale structure ensuite durablement l’espace antiochéen dans la
Chronique. L’expression εν τή πεδιάδι reste associée à la ville de Séleucos, par oppo-
sition aux constructions hors les murs dont une partie se fait justement sur les flancs
du mont Silpios. Lorsqu’à partir du règne de Tibère, l’extension du rempart fait que la
ville de Séleucos ne peut plus être identifiée à la ville, cette partie d’Antioche continue
cependant à être associée à sa localisation initiale et « la plaine » devient pour ainsi dire
le nom d’un quartier. Par exemple, lorsque sous le règne de Sévère un bain public est
édifié par les dirigeants d’Antioche sur l’emplacement d’une maison et d’un jardin ap-
partenant à une certaine Livie, les seules indications données par Malalas concernent
le nom de ce bain, le Livianon, et sa situation εις τήν πεδιάδα τής πόΛεως.8 C’est
également « dans la plaine» (εις τήν πεδιάδα) que Malalas situe le bain public édifié
par Domitien.9 Le premier point de repère est donc la distinction entre la plaine et la
montagne, la ville basse et la ville haute, la ville séleucide à l’intérieur de son rempart
et les constructions au-delà des murs.
Les prépositions et les adverbes prennent de ce fait une importance majeure10 : ils
renvoient à cet agencement initial de l’espace urbain et à des parties implicitement
identifiées de la ville, bien plus qu’à une localisation relative des monuments dans le
contexte où ils apparaissent.
Ainsi lorsque Malalas évoque les constructions faites par les sénateurs Pontus et
Varius sur leurs fonds propres, sous le règne de Caligula, il mentionne le « grand bain
public que l’on appelle le « Bain de Varius », et il le situe « en bas, le long du rempart,
près du fleuve»,11 c’est-à-dire dans le quartier séleucide. Ainsi localisé, ce bain devient
à son tour un marqueur topographique permettant de situer lesdites constructions,
à propos desquelles Malalas se contentera par la suite d’ajouter qu’après la confisca-
tion des propriétés des sénateurs par Caligula, elles furent désormais appelées «les
8 Malalas, Chronographia XII 22.
9 Malalas, Chronographia IX 21. La précision supplémentaire selon laquelle ce bain était situé « à proxi-
mité du vieil hippodrome» (πλησίον του παλαιού ιππικού), renvoie le lecteur aux mentions anté-
rieures de l’hippodrome dont Malalas attribue la construction à Q^Marcius Rex, proconsul de Cilicie,
sous le règne de Philippe II, et la reconstruction après un tremblement de terre à Agrippa.
10 L’usage que fait Malalas des prépositions et des adverbes a souvent été jugée aléatoire et, de fait, on
peine parfois à distinguer le sens d’expressions comme επί τό όρος, εις τό όρος, παρά τό όρος, et à
en interpréter exactement d’autres comme πρός τό όρος. Il semble toutefois que ces expressions ne
soient pas choisies par hasard, et qu’il faille accorder une attention particulière à leurs variations, comme
dans le cas examiné ci-dessus de άντικρυς et κατέναντι, ou pour le doublet πλησίον/έγγιστα.
Nous reviendrons sur ce point plus loin.
h Malalas, Chronographia X 19: έκτισαν ... έκ των ιδίων αυτών χρημάτων δημόσιον λουτρόν
μέγα τό λεγόμενον Ούάριον κάτω παρά τό τείχος, πλησίον του ποταμού, ένθα καί τά
οικήματα αυτών έκτισαν πλησίον τού δημοσίου ...
Emmanuèle Caire
La précision apportée ici par Malalas sur la position relative des deux établissements
primitifs a sans doute moins pour fonction de fournir une information sur l’emplace-
ment exact de la fondation de Séleucos que d’esquisser, avec cet alignement de lopolis
et de Bottia par rapport à l’Oronte, la continuité de la future Antioche.
Cette disposition initiale structure ensuite durablement l’espace antiochéen dans la
Chronique. L’expression εν τή πεδιάδι reste associée à la ville de Séleucos, par oppo-
sition aux constructions hors les murs dont une partie se fait justement sur les flancs
du mont Silpios. Lorsqu’à partir du règne de Tibère, l’extension du rempart fait que la
ville de Séleucos ne peut plus être identifiée à la ville, cette partie d’Antioche continue
cependant à être associée à sa localisation initiale et « la plaine » devient pour ainsi dire
le nom d’un quartier. Par exemple, lorsque sous le règne de Sévère un bain public est
édifié par les dirigeants d’Antioche sur l’emplacement d’une maison et d’un jardin ap-
partenant à une certaine Livie, les seules indications données par Malalas concernent
le nom de ce bain, le Livianon, et sa situation εις τήν πεδιάδα τής πόΛεως.8 C’est
également « dans la plaine» (εις τήν πεδιάδα) que Malalas situe le bain public édifié
par Domitien.9 Le premier point de repère est donc la distinction entre la plaine et la
montagne, la ville basse et la ville haute, la ville séleucide à l’intérieur de son rempart
et les constructions au-delà des murs.
Les prépositions et les adverbes prennent de ce fait une importance majeure10 : ils
renvoient à cet agencement initial de l’espace urbain et à des parties implicitement
identifiées de la ville, bien plus qu’à une localisation relative des monuments dans le
contexte où ils apparaissent.
Ainsi lorsque Malalas évoque les constructions faites par les sénateurs Pontus et
Varius sur leurs fonds propres, sous le règne de Caligula, il mentionne le « grand bain
public que l’on appelle le « Bain de Varius », et il le situe « en bas, le long du rempart,
près du fleuve»,11 c’est-à-dire dans le quartier séleucide. Ainsi localisé, ce bain devient
à son tour un marqueur topographique permettant de situer lesdites constructions,
à propos desquelles Malalas se contentera par la suite d’ajouter qu’après la confisca-
tion des propriétés des sénateurs par Caligula, elles furent désormais appelées «les
8 Malalas, Chronographia XII 22.
9 Malalas, Chronographia IX 21. La précision supplémentaire selon laquelle ce bain était situé « à proxi-
mité du vieil hippodrome» (πλησίον του παλαιού ιππικού), renvoie le lecteur aux mentions anté-
rieures de l’hippodrome dont Malalas attribue la construction à Q^Marcius Rex, proconsul de Cilicie,
sous le règne de Philippe II, et la reconstruction après un tremblement de terre à Agrippa.
10 L’usage que fait Malalas des prépositions et des adverbes a souvent été jugée aléatoire et, de fait, on
peine parfois à distinguer le sens d’expressions comme επί τό όρος, εις τό όρος, παρά τό όρος, et à
en interpréter exactement d’autres comme πρός τό όρος. Il semble toutefois que ces expressions ne
soient pas choisies par hasard, et qu’il faille accorder une attention particulière à leurs variations, comme
dans le cas examiné ci-dessus de άντικρυς et κατέναντι, ou pour le doublet πλησίον/έγγιστα.
Nous reviendrons sur ce point plus loin.
h Malalas, Chronographia X 19: έκτισαν ... έκ των ιδίων αυτών χρημάτων δημόσιον λουτρόν
μέγα τό λεγόμενον Ούάριον κάτω παρά τό τείχος, πλησίον του ποταμού, ένθα καί τά
οικήματα αυτών έκτισαν πλησίον τού δημοσίου ...