Jean Malalas et la mémoire d’Antioche
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ce temple d’Arès utilisé ici comme point de repère mais entre-temps disparu, tout
comme, on l’apprendra par la suite, le Caesarion lui-même.
Quant au bain public, au théâtre et à l’amphithéâtre, que Malalas appelle mono-
machion, rien n’en est dit sinon qu’ils se situent dans la même zone dite Acropolis, à
proximité de l’aqueduc dont Malalas attribue la construction à César. La situation
relative de ces différents monuments n’est pas précisée.25 Mais pour un lecteur an-
tiochéen il est probable que les mentions de ΓAcropolis et de l’aqueduc césarien (bien
que ce dernier ait été détruit, au moins partiellement, au début du Ve siècle) suffisaient
comme points de repère dans leur image mentale d’Antioche et que le terme «Acro-
polis», permettait de surcroît d’établir une fois encore une continuité temporelle entre
la période romaine et la période antérieure, puisque cette zone était déjà habitée avant
la venue de César.26
Jusqu’au règne de Tibère il suffit donc à Malalas de préciser que des édifices s’élèvent
hors les murs et sur la montagne (ou contre la montagne), ou seulement en « en haut»
pour les localiser topographiquement dans le quartier précédemment défini comme
celui fEpiphania ou àAcropolis. La juxtaposition à leur nom originel d’un autre nom,
plus tardif, n’est pas rare. On pourrait s’étonner de ces mentions anachroniques qui,
lorsqu’elles ne sont accompagnées d’aucune explication ou d’aucun élément de data-
tion pour ce changement de nom, apparaissent inutiles au lecteur et rendent parfois
l’exposé confus. Mais l’emploi fréquent du participe présent Λεγόμενος, parfois pré-
cisé par vûv, suggère que ces indications ont une fonction réelle : celle de permettre à
un lecteur antiochéen, contemporain de l’auteur de la notice, de situer beaucoup plus
précisément les lieux évoqués dans l’espace urbain. C’était le cas du temple d’Arès,
devenu plus tard le Macellonf c’est le cas aussi du bain public édifié par Agrippa sous
25 L’amphithéâtre peut être situé au sud de la zone, non loin de l’aqueduc. C’est ce qui ressort du passage
dans lequel Malalas évoque la construction du rempart Théodosien entre la porte Philonauta et le lieu-
dit Rhodion, le long du torrent Phyrminios (sur ce rempart et le développement des quartiers méridio-
naux, voir Saliou (2013). Pour la construction du rempart, écrit Malalas, Théodose «fit apporter les
pierres du vieil amphithéâtre qui se trouvait en haut, sur VAcropolis, et il détruisit aussi l’aqueduc qui
allait jusqu’à ΓAcropolis depuis ce qu’on appelle les < eaux de la route de Laodicée > et qu’avait fait
construire Jules César lorsqu’il avait édifié un bain public, en haut, sur la montagne, pour ceux qu’on
appelle les acropolites.» (Malalas, Chronographia XIII 39: ένεγκών τούς Λίθους έκ τού
μονομαχείου τού παλαιού τού όντος εις τήν άκρόπολιν άνω, Λύσας καί τόν αγωγόν τόν
ερχόμενον εις τήν αύτήν άκρόπολιν άπό των λεγομένων ύδάτων έκ τής Λαοδικηνής
οδού· όντινα άγωγόν έποίησεν Ιούλιος ό Καίσαρ, κτίσας τό δημόσιον άνω εις τό όρος τοΐς
λεγομένοις άκροπολίταις). La situation du théâtre est moins évidente et dépend de l’extension de
la zone dite Acropolis. O. Müller en restituait l’emplacement à proximité immédiate de l’amphithéâtre
(voir carte en annexe), G. Downey, plus au nord, près du forum de Valens. Voir les hypothèses actuelles
dans Leblanc/Poccardi (1999), p. 95-98 et Brands (2016), p. 53, n. 30.
26 Au livre VIII, à propos de la fondation d’Antioche par Séleucos, Malalas rappelle l’origine des Acropo-
lites: il s’agit de Crétois «auxquels le roi Kasos, fils d’Inachos, avait permis d’habiter en-haut» et aux-
quels s’étaient joints des Chypriotes arrivés avec Amykè, l’épouse de Kasos. (VIII14 : κατήγαγε δε καί
τούς Κρήτας άπό τής άκροπόλεως, ούς έασεν ό Κάσος ό υιός Ινάχου άνω οίκειν οιτινες
μετοικήσαντες εις τήν αύτήν Αντιόχειαν μετά καί των Κυπρίων, έπειδή ό Κάσος βασιλεύς
ήγάγετο Αμυκήν τήν καίΚιτίαν, θυγατέρα Σαλαμίνου τού Κυπρίων βασιλέως· καίήλθον
μετ' αύτής Κύπριοι καί ωκησαν τήν άκρόπολιν.)
27 Sur l’association du temple d’Arès au Macellon, voir infra.
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ce temple d’Arès utilisé ici comme point de repère mais entre-temps disparu, tout
comme, on l’apprendra par la suite, le Caesarion lui-même.
Quant au bain public, au théâtre et à l’amphithéâtre, que Malalas appelle mono-
machion, rien n’en est dit sinon qu’ils se situent dans la même zone dite Acropolis, à
proximité de l’aqueduc dont Malalas attribue la construction à César. La situation
relative de ces différents monuments n’est pas précisée.25 Mais pour un lecteur an-
tiochéen il est probable que les mentions de ΓAcropolis et de l’aqueduc césarien (bien
que ce dernier ait été détruit, au moins partiellement, au début du Ve siècle) suffisaient
comme points de repère dans leur image mentale d’Antioche et que le terme «Acro-
polis», permettait de surcroît d’établir une fois encore une continuité temporelle entre
la période romaine et la période antérieure, puisque cette zone était déjà habitée avant
la venue de César.26
Jusqu’au règne de Tibère il suffit donc à Malalas de préciser que des édifices s’élèvent
hors les murs et sur la montagne (ou contre la montagne), ou seulement en « en haut»
pour les localiser topographiquement dans le quartier précédemment défini comme
celui fEpiphania ou àAcropolis. La juxtaposition à leur nom originel d’un autre nom,
plus tardif, n’est pas rare. On pourrait s’étonner de ces mentions anachroniques qui,
lorsqu’elles ne sont accompagnées d’aucune explication ou d’aucun élément de data-
tion pour ce changement de nom, apparaissent inutiles au lecteur et rendent parfois
l’exposé confus. Mais l’emploi fréquent du participe présent Λεγόμενος, parfois pré-
cisé par vûv, suggère que ces indications ont une fonction réelle : celle de permettre à
un lecteur antiochéen, contemporain de l’auteur de la notice, de situer beaucoup plus
précisément les lieux évoqués dans l’espace urbain. C’était le cas du temple d’Arès,
devenu plus tard le Macellonf c’est le cas aussi du bain public édifié par Agrippa sous
25 L’amphithéâtre peut être situé au sud de la zone, non loin de l’aqueduc. C’est ce qui ressort du passage
dans lequel Malalas évoque la construction du rempart Théodosien entre la porte Philonauta et le lieu-
dit Rhodion, le long du torrent Phyrminios (sur ce rempart et le développement des quartiers méridio-
naux, voir Saliou (2013). Pour la construction du rempart, écrit Malalas, Théodose «fit apporter les
pierres du vieil amphithéâtre qui se trouvait en haut, sur VAcropolis, et il détruisit aussi l’aqueduc qui
allait jusqu’à ΓAcropolis depuis ce qu’on appelle les < eaux de la route de Laodicée > et qu’avait fait
construire Jules César lorsqu’il avait édifié un bain public, en haut, sur la montagne, pour ceux qu’on
appelle les acropolites.» (Malalas, Chronographia XIII 39: ένεγκών τούς Λίθους έκ τού
μονομαχείου τού παλαιού τού όντος εις τήν άκρόπολιν άνω, Λύσας καί τόν αγωγόν τόν
ερχόμενον εις τήν αύτήν άκρόπολιν άπό των λεγομένων ύδάτων έκ τής Λαοδικηνής
οδού· όντινα άγωγόν έποίησεν Ιούλιος ό Καίσαρ, κτίσας τό δημόσιον άνω εις τό όρος τοΐς
λεγομένοις άκροπολίταις). La situation du théâtre est moins évidente et dépend de l’extension de
la zone dite Acropolis. O. Müller en restituait l’emplacement à proximité immédiate de l’amphithéâtre
(voir carte en annexe), G. Downey, plus au nord, près du forum de Valens. Voir les hypothèses actuelles
dans Leblanc/Poccardi (1999), p. 95-98 et Brands (2016), p. 53, n. 30.
26 Au livre VIII, à propos de la fondation d’Antioche par Séleucos, Malalas rappelle l’origine des Acropo-
lites: il s’agit de Crétois «auxquels le roi Kasos, fils d’Inachos, avait permis d’habiter en-haut» et aux-
quels s’étaient joints des Chypriotes arrivés avec Amykè, l’épouse de Kasos. (VIII14 : κατήγαγε δε καί
τούς Κρήτας άπό τής άκροπόλεως, ούς έασεν ό Κάσος ό υιός Ινάχου άνω οίκειν οιτινες
μετοικήσαντες εις τήν αύτήν Αντιόχειαν μετά καί των Κυπρίων, έπειδή ό Κάσος βασιλεύς
ήγάγετο Αμυκήν τήν καίΚιτίαν, θυγατέρα Σαλαμίνου τού Κυπρίων βασιλέως· καίήλθον
μετ' αύτής Κύπριοι καί ωκησαν τήν άκρόπολιν.)
27 Sur l’association du temple d’Arès au Macellon, voir infra.