Emmanuèle Caire
178
de bâtiments, ceux du Bouleuterion ou du Caesarion, situés sur les premières pentes,
voire au pied même du Mont Silpios (παρά τό όρος).20
Il est tout aussi difficile pour le lecteur, à ce stade de la Chronique, de comprendre
comment s’organise cet espace ou ces espaces urbains, et de situer l’emplacement res-
pectif des différents monuments. Le seul élément précis est la référence à un temple
d’Arès en face duquel aurait été édifié le Caesarion. Mais aucun temple d’Arès n’a été
mentionné jusque-là.21 On peut toutefois supposer que ce monument devait comp-
ter au nombre des temples construits dans le quartier ^Efifhania, que Malalas avait
évoqués de façon très allusive dans la notice consacrée au règne d’Antiochos Epi-
phane22 (έκτισε δε καί άΛΛα τενά), et de façon un peu plus précise lorsque, à propos
du règne de Tibère, il revient sur les constructions d’Antiochos Epiphane (έκτισε
καί άΛΛα ιερά) et d’Antiochos Philadelphie (έκτισεν έξω τής πόΛεως ποΛΛά).23
Mais au livre IX, c’est seulement l’insistance sur la topographie élevée qui permet
de relier les diverses constructions césariennes au quartier ^Efifhania. Si le temple
d’Arès appartient bien au programme architectural séleucide, sa mention ici permet
d’établir un lien aussi bien spatial que temporel entre les constructions romaines et les
constructions hellénistiques. Il faut toutefois relever la rapide allusion au changement
de nom ultérieur du temple d’Arès, devenu à une époque indéterminée le Macellon.
Cette mention anachronique, tout à fait énigmatique pour le lecteur à ce stade de la
Chronique, n’a sans doute d’autre fonction que de permettre à un lecteur familier d’An-
tioche et contemporain de Malalas (ou de sa source directe)24 de situer dans l’espace
20 On ne pourrait trancher qu’en sachant si, à l’époque de Malalas (et donc dans l’esprit de Malalas), Epi-
phania fait précisément référence à la zone originelle des constructions séleucides, à laquelle Antiochos
Epiphane est censé avoir donné son nom, ou si le terme désigne plus généralement toute la partie
d’Antioche située au pied et sur les flancs du Silpios. Comme Malalas est le seul à utiliser le terme
Epiphania, et qu’il ne le fait qu’une fois, on ne peut guère aller au-delà des hypothèses. Il est possible
qu’initialement, le terme ait été réservé à la zone urbanisée par Antiochos Épiphane, autour du Bouleu-
terion, tandis que d’autres groupes d’édifices disséminés sur le mont avaient des dénominations propres
(Acropolis, lopolis). L’extension de la ville «sur la montagne» a dû au bout d’un certain temps ne plus
permettre de distinguer ces noyaux originels, sauf peut-être dans la toponymie.
21 II est bien sûr possible que cette absence soit imputable à l’état dans lequel nous est parvenue la Chro-
nique, mais il n’est pas rare que Malalas fasse ainsi allusion à un monument, et particulièrement à un
temple, sans donner aucune précision sur son origine (voir infra les exemples des temples d’Athéna ou
d’Aphrodite). Sur les temples d’Antioche, voir Cabouret (1997).
22 Voir supra.
23 Malalas, Chronographia X 9 : [...] ωκεϊτο γάρ δίχα τείχους πρώην τό παρά τό όρος μέρος τής
πόΛεως, κτισθέν ύπό Αντιόχου τού επιφανέστατου βασιΛέως· όστις καί τό βουΛευτήριον
έκτισε καί άΛΛα ιερά, ωσαύτως δε καί Αντίοχος ό βασιλεύς πάΛιν ό Λεγόμενος
ΦιΛάδεΛφος έκτισεν έξω τής πόΛεως ποΛΛά. « En effet, la partie de la ville sur le flanc de la
montagne, qu’avait édifiée le très illustre roi Antiochos était auparavant habitée sans qu’il y eût de
rempart. Celui-ci avait aussi édifié le Bouleuterion ainsi que des temples. De même, à son tour, le roi
Antiochos dit Philadelphe avait édifié de nombreux monuments à l’extérieur de la ville. »
24 II arrive que Malalas précise l’origine de son information: par exemple il conclut son exposé sur les
constructions de Tibère à Antioche par une référence à Domninos (voir infra}. Mais même dans ce cas,
il reste difficile de savoir si le mode de présentation est imputable à Malalas ou à sa source. En tout état
de cause, il s’agit bien d’un regard antiochéen rétrospectif sur un état disparu de la ville. Pour les hypo-
thèses sur l’identité et l’époque de Domninos, voir Jeffreys (1990), p. 178-179.
178
de bâtiments, ceux du Bouleuterion ou du Caesarion, situés sur les premières pentes,
voire au pied même du Mont Silpios (παρά τό όρος).20
Il est tout aussi difficile pour le lecteur, à ce stade de la Chronique, de comprendre
comment s’organise cet espace ou ces espaces urbains, et de situer l’emplacement res-
pectif des différents monuments. Le seul élément précis est la référence à un temple
d’Arès en face duquel aurait été édifié le Caesarion. Mais aucun temple d’Arès n’a été
mentionné jusque-là.21 On peut toutefois supposer que ce monument devait comp-
ter au nombre des temples construits dans le quartier ^Efifhania, que Malalas avait
évoqués de façon très allusive dans la notice consacrée au règne d’Antiochos Epi-
phane22 (έκτισε δε καί άΛΛα τενά), et de façon un peu plus précise lorsque, à propos
du règne de Tibère, il revient sur les constructions d’Antiochos Epiphane (έκτισε
καί άΛΛα ιερά) et d’Antiochos Philadelphie (έκτισεν έξω τής πόΛεως ποΛΛά).23
Mais au livre IX, c’est seulement l’insistance sur la topographie élevée qui permet
de relier les diverses constructions césariennes au quartier ^Efifhania. Si le temple
d’Arès appartient bien au programme architectural séleucide, sa mention ici permet
d’établir un lien aussi bien spatial que temporel entre les constructions romaines et les
constructions hellénistiques. Il faut toutefois relever la rapide allusion au changement
de nom ultérieur du temple d’Arès, devenu à une époque indéterminée le Macellon.
Cette mention anachronique, tout à fait énigmatique pour le lecteur à ce stade de la
Chronique, n’a sans doute d’autre fonction que de permettre à un lecteur familier d’An-
tioche et contemporain de Malalas (ou de sa source directe)24 de situer dans l’espace
20 On ne pourrait trancher qu’en sachant si, à l’époque de Malalas (et donc dans l’esprit de Malalas), Epi-
phania fait précisément référence à la zone originelle des constructions séleucides, à laquelle Antiochos
Epiphane est censé avoir donné son nom, ou si le terme désigne plus généralement toute la partie
d’Antioche située au pied et sur les flancs du Silpios. Comme Malalas est le seul à utiliser le terme
Epiphania, et qu’il ne le fait qu’une fois, on ne peut guère aller au-delà des hypothèses. Il est possible
qu’initialement, le terme ait été réservé à la zone urbanisée par Antiochos Épiphane, autour du Bouleu-
terion, tandis que d’autres groupes d’édifices disséminés sur le mont avaient des dénominations propres
(Acropolis, lopolis). L’extension de la ville «sur la montagne» a dû au bout d’un certain temps ne plus
permettre de distinguer ces noyaux originels, sauf peut-être dans la toponymie.
21 II est bien sûr possible que cette absence soit imputable à l’état dans lequel nous est parvenue la Chro-
nique, mais il n’est pas rare que Malalas fasse ainsi allusion à un monument, et particulièrement à un
temple, sans donner aucune précision sur son origine (voir infra les exemples des temples d’Athéna ou
d’Aphrodite). Sur les temples d’Antioche, voir Cabouret (1997).
22 Voir supra.
23 Malalas, Chronographia X 9 : [...] ωκεϊτο γάρ δίχα τείχους πρώην τό παρά τό όρος μέρος τής
πόΛεως, κτισθέν ύπό Αντιόχου τού επιφανέστατου βασιΛέως· όστις καί τό βουΛευτήριον
έκτισε καί άΛΛα ιερά, ωσαύτως δε καί Αντίοχος ό βασιλεύς πάΛιν ό Λεγόμενος
ΦιΛάδεΛφος έκτισεν έξω τής πόΛεως ποΛΛά. « En effet, la partie de la ville sur le flanc de la
montagne, qu’avait édifiée le très illustre roi Antiochos était auparavant habitée sans qu’il y eût de
rempart. Celui-ci avait aussi édifié le Bouleuterion ainsi que des temples. De même, à son tour, le roi
Antiochos dit Philadelphe avait édifié de nombreux monuments à l’extérieur de la ville. »
24 II arrive que Malalas précise l’origine de son information: par exemple il conclut son exposé sur les
constructions de Tibère à Antioche par une référence à Domninos (voir infra}. Mais même dans ce cas,
il reste difficile de savoir si le mode de présentation est imputable à Malalas ou à sa source. En tout état
de cause, il s’agit bien d’un regard antiochéen rétrospectif sur un état disparu de la ville. Pour les hypo-
thèses sur l’identité et l’époque de Domninos, voir Jeffreys (1990), p. 178-179.