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Innovationen durch Deuten und Gestalten: Klöster im Mittelalter zwischen Jenseits und Welt — Klöster als Innovationslabore, Band 1: Regensburg: Schnell + Steiner, 2014

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Dalarun, Jacques: Le corps monastique entre opus Dei et modernité
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https://doi.org/10.11588/diglit.31468#0032
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Le corps monastique entre opus Dei et modernité | 31
Notre (trop rapide) lecture de la Règle bénédictine comme laboratoire du corps
a donné raison à Cuthbert Butler ¹¹⁷ contre Adalbert de Vogüé: ¹¹⁸ le traitement du
corps prôné par Benoît est bien évidemment une ascèse, mais il ne vise pas l’exploit
ascétique: ¹¹⁹ « rien d’âpre, rien de pesant », affirme l’auteur lui-même. ¹²⁰ La discipline
monastique n’en entretient pas moins un lien essentiel avec les prouesses ascétiques
des ermites et des saints: elle est l’ordinaire sur laquelle se détache l’extraordinaire;
elles sont l’exception qui confirme la Règle. Cette dialectique s’éclaire au regard de
la pratique du sport dans notre monde désenchanté: ¹²¹ le sportif ordinaire, qui se
contente d’entretenir son corps dans la longue durée, a besoin du modèle excessif et
éphémère que lui offre le sport de compétition. Le traitement monastique des corps
est un régime: le moine doit à la fois alléger et aguerrir son corps par l’abstinence, le
jeûne, la saignée, la chasteté, la privation de sommeil; il doit réprimer toute forme de
distraction qui le détournerait un instant de l’œuvre commune, qui dresserait l’aspérité
de son corps individuel contre le corps collectif dans lequel il doit se fondre.
Mais Benoît ne souhaite jamais mener les moines à l’épuisement, pour la raison que,
dans l’atelier du monastère, ils sont des ouvriers dédiés à l’opus Dei. ¹²² La Règle ne
vise pas la performance, mais l’efficience.
monde. Il y eut également, sur le mode du marcottage, transfert de la structure monastique à des institutions
closes mais, à leur tour, éminemment structurantes, telles que l’école, l’hôpital ou la prison. Enfin,
le modèle monastique a été durablement tenu dans la société entière, y compris chez les laïcs, comme la
forme de vie s’approchant le plus de la perfection (les critiques faites aux mauvais moines découlent de
cette conviction); comme nous le verrons, le protestantisme est, pour Max Weber, une laïcisation du
modèle monastique qui en étend ainsi l’emprise à l’ensemble de la société occidentale moderne.
117 Cuthbert Butler, Benedictine Monachism. Studies in Benedictine Life and Rule, London 1919, pp.
23 – 45, trad. Le monachisme bénédictin. Études sur la vie et la règle bénédictines, Paris 1924.
118 Vogüé, Introduction (note 23 supra), pp. 75 –79. L’ouvrage de Dom Butler est une apologie de la
Règle bénédictine, dont il souligne les innovations, en particulier la suppression des austérités et l’absorption
de l’individu par la communauté. Grâce à sa connaissance des Règles occidentales précédant
celles de Benoît et grâce, en particulier, à sa démonstration de l’antériorité de la Règle du Maître sur celle
de Benoît, Adalbert Vogüé peut légitimement réduire la part de l’innovation sur ces points. Il serait
donc plus exact de dire que Butler a raison dans l’absolu et Vogüé dans la relativité.
119 En ce sens, on pourrait opposer l’ascèse bénédictine à l’ascétisme érémitique; sur cette distinction (et
ses difficultés), voir Joseph de Guibert, Ascèse, ascétisme, dans: Dictionnaire de spiritualité, ascétique
et mystique, doctrine et histoire, ed. Marcel Viller/Joseph de Guibert/Ferdinand Cavallera et al.,
vol. 1, Paris 1937, col. 936 –938.
120 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), prologus, 46, pp. 422– 424: nihil asperum, nihil grave.
121 Sur le « désenchantement du monde », voir Weber, L’éthique protestante (note 16 supra), p. 134; Marcel
Gauchet, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion (Bibliothèque des
sciences humaines), Paris 1985.
122 Voir Agamben, De la très haute pauvreté (note 31 supra), pp. 32–33: « Nous sommes habitués à associer
la scansion chronométrique du temps humain à la modernité et à la division du travail dans les usines.
[…] Il a rarement été noté, même si Foucault ne manque pas de l’évoquer, que, presque quinze siècles
plus tôt, le monachisme avait réalisé dans ses cénobies, à des fins exclusivement morales et religieuses,
une scansion temporelle de l’existence des moines, dont la rigueur était non seulement sans précédent
dans le monde classique, mais, de par son intransigeance absolue, n’avait peut-être pas été égalée dans
aucune institution de la modernité, pas même l’usine tayloriste ». Comme on le verra dans la note sui-
 
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