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Innovationen durch Deuten und Gestalten: Klöster im Mittelalter zwischen Jenseits und Welt — Klöster als Innovationslabore, Band 1: Regensburg: Schnell + Steiner, 2014

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Dalarun, Jacques: Le corps monastique entre opus Dei et modernité
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https://doi.org/10.11588/diglit.31468#0022
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Le corps monastique entre opus Dei et modernité | 21
ordinaire n’est pas, car Dominique est à la fois un ermite, un saint et le produit littéraire
d’un auteur engagé dans la réforme dite « grégorienne ». L’ermite ou le saint
(y compris le saint fondateur monastique) doivent, au moins pour un temps, se
détacher d’autrui. Leurs comportements héroïques tranchent sur la conduite de la
communauté. L’ascèse érémitique est un excès, ¹⁶ qui porte la signature du désert; ¹⁷
l’ascète n’a pas besoin des autres, si ce n’est comme des champions rivaux à dépasser.
L’hagiographie est un miroir déformant de la vie monastique, car elle n’en montre
que les sommets, voire la limite. ¹⁸ Quant à la Réforme grégorienne, elle a exacerbé
16 Voir Max Weber, Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie, vol. 1: Die protestantische Ethik und
der Geist des Kapitalismus, 4 ᵉ éd. Tübingen 1947, pp. 1–236, trad. L’éthique protestante et l’esprit du
capitalisme, Paris 1964, 2 ᵉ éd. 1967, rééd. 1994, p. 175, note 2: « c’est pourquoi le véritable ascétisme est
toujours “hostile à l’autorité ”. […] L’ascétisme catholique a brisé cette tendance en ce qui concerne les
supérieurs ecclésiastiques au moyen du vœu d’obéissance, tout en considérant l’obéissance elle-même
comme un ascétisme ». Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France,
1977–1978, éd. François Ewald/Alessandro Fontana/Michel Senellart, Paris 2004, pp. 208 –211,
place l’ascétisme au sein des contre-conduites. Il y voit un défi à l’obéissance: l’ascète se lance un défi à
soi-même (défi interne) et est le guide de son propre ascétisme; il lance un défi à l’autre (défi externe) avec
qui il rivalise par ses exploits; il tend à une apatheia qui est maîtrise sur lui-même; il identifie son corps
supplicié à celui du Christ. Foucault de conclure que « le christianisme n’est pas une religion ascétique »
et que l’ascétisme, réactivé aux XI ᵉ –XII ᵉ siècles, est retourné contre les structures de pouvoir: « L’ascétisme,
c’est une sorte d’obéissance exaspérée et retournée, devenue maîtrise de soi égoïste ».
17 J’use ici du terme « signature » au sens où le définit Giorgio Agamben, Signatura rerum. Sul metodo (Temi
174), Turin 2008, trad. Signatura rerum. Sur la méthode (Textes philosophiques), Paris 2008.
18 Thomas de Celano, Memoriale. Editio critico-synoptica duarum redactionum ad fidem codicum manuscriptorum,
éd. Felice Accrocca/Aleksander Horowski (Subsidia scientifica franciscalia 12), Rome
2011, cap. 114, 1–114, 3, pp. 220 –222: Dixit etiam aliquando sanctus: « Fratri corpori cum discretione
providendum est, ne ab eo tempestas commoveatur accidiae. Ut enim non tedeat ipsum vigilare et reverenter
in oratione persistere, tollatur ei occasio murmurandi. Diceret enim: “Fame deficio, tui exercitii
sarcinam ferre non valeo”. Quod si postquam sufficientem vorasset annonam, talia musitaret, scito
pigrum iumentum indigere calcaribus, et inertem asellum stimulum exspectare ». Hoc solo documento
dissona fuit manus a lingua in patre sanctissimo. Corpus enim suum utique innocens flagellis et penuriis
subigebat, multiplicans ei vulnera sine causa. Nam et calor spiritus ita iam levigaverat corpus, ut anima
sitiente in Deum, sitiret et quam multipliciter caro illa sanctissima (trad. Dominique Poirel, dans:
François d’Assise. Écrits, Vies, témoignages (note 13 supra), pp. 1621–1622: « Le saint dit encore un jour:
“Il faut prendre soin de frère Corps avec discernement, pour empêcher qu’une tempête d’acédie ne se
déclenche de son fait. Pour qu’il ne s’ennuie pas à veiller et à demeurer avec révérence dans la prière, qu’on
lui ôte l’occasion de murmurer. Car il dirait: ‘Je défaille de faim, je suis incapable de porter le fardeau de
ton exercice’. Si, après avoir dévoré une ration suffisante, il grognait de telles choses, sache alors que cette
monture paresseuse a besoin de coups d’éperon et que l’ânon rétif attend l’aiguillon”. Sur ce seul enseignement,
la main fut en désaccord avec la langue chez ce père très saint. Il soumettait en effet son corps
absolument innocent aux coups et aux privations, multipliant sur lui des blessures sans cause. Car aussi
la chaleur de l’esprit avait déjà tellement allégé son corps que, comme l’âme était assoiffée de Dieu, cette
chair très sainte en était assoiffée elle aussi de bien multiples façons »). L’ambiguïté de François à l’égard de
son corps est encore plus patente en « Compilatio Assisiensis » dagli scritti di fra Leone e compagni su S.
Francesco d’Assisi. Dal Ms. 1046 di Perugia. II edizione integrale riveduta e corretta con versione italiana
a fronte e varianti, éd. Marino Bigaroni (Pubblicazioni della Biblioteca francescana. Chiesa nuova. Assisi
2), Assisi 1992, cap. 120, pp. 402– 406, qui inspire le passage du Memoriale cité ci-dessus.
 
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