Le corps monastique dans la Règle bénédictine
Le corps monastique entre opus Dei et modernité | 23
La Règle de saint Benoît est un texte éminemment pragmatique. ²³ Elle ne s’adresse
pas à des anges, mais à des êtres de chair et de sang: « Tandis que […] nous sommes
en ce corps ». ²⁴
Le corps n’est pas l’ennemi par excellence du moine. Dans la description des
périls qui le menacent, la chair et les pensées sont toujours citées de concert. ²⁵ Les
anachorètes sont capables de combattre « les vices de la chair et des pensées », ²⁶
tandis que les gyrovagues errent, « servant leurs volontés propres et les plaisirs de la
bouche ». ²⁷ Le moine doit briser « les pensées mauvaises qui viennent à son cœur »; ²⁸
conjointement, il doit « ne pas accomplir les désirs de la chair » et « haïr la volonté
propre ». ²⁹ Il lui faut se garder « des péchés et des vices, ceux des pensées, de
la langue, des mains, des pieds ou de la volonté propre, mais aussi des désirs de
la chair », ³⁰ cités ici au dernier rang. Le principal ennemi de l’homme est bien la
ner, vers 625, une « Regula sancti Benedicti abbatis Romensis ». Jacques Froger annonce un travail à
venir sur le sujet qui, à ma connaissance, n’a jamais vu le jour. Il n’est pas sûr qu’une démonstration de ce
genre eût été bien accueillie dans l’univers bénédictin de Dom Froger. Dans les pages qui suivent, par
commodité, nous continuons à appeler « Benoît » l’auteur de la Règle dite « bénédictine ».
23 Benoît prend acte de la situation de l’homme en ce monde comme il prend acte de l’attiédissement du
monachisme en son temps ou de la donne climatique: « les choses étant ce qu’elles sont… »; avant d’être
directif ou prescriptif, son texte est descriptif. Nous citons l’édition latine La Règle de saint Benoît, vol.
1–2, éd. Adalbert de Vogüé/Jean Neufville (Sources chrétiennes 181–182/Série des textes monastiques
d’Occident 34 –35), Paris 1972, pp. 411– 675. Pour son commentaire, nous renvoyons à Adalbert
de Vogüé, Introduction, dans: Ibid., vol. 1, pp. 27– 410; La Règle de saint Benoît, vol. 3, éd. Jean
Neufville (Sources chrétiennes 183/Série des textes monastiques d’Occident 36), Paris 1972; La Règle
de saint Benoît, vols. 4 – 6, éd. Adalbert de Vogüé (Sources chrétiennes 184 –186/Série des textes monastiques
d’Occident 37–39), Paris 1971; La Règle de saint Benoît, vol. 7, éd. Adalbert de Vogüé (Sources
chrétiennes, hors collection), Paris 1977. Adalbert de Vogüé fournit en particulier tous les éléments de
contextualisation de l’œuvre de Benoît par rapport à sa source principale, la Règle du Maître, aux Règles
orientales et occidentales. Notre trop rapide étude a pour effet d’absolutiser le texte bénédictin. Mais c’est
bien ainsi – comme une autorité en soi – qu’il a été pratiqué par le monachisme médiéval en Occident, en
particulier après avoir été imposé à tous les monastères de l’Empire en 817. Pour la bibliographie, voir la
collection Regulae Benedicti Studia, Hildesheim/St. Ottilien, lancée en 1972.
24 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), prologus, 43, p. 422: Dum […] in hoc corpore sumus.
25 Le corps est un lieu neutre; la chair est liée aux vices, aux désirs ou aux péchés. Voir Jean Neufville,
Concordance verbale, dans: La Règle de saint Benoît, vol. 1–2, éd. Adalbert de Vogüé/Jean Neufville
(Sources chrétiennes 181–182/Série des textes monastiques d’Occident 34 –35), Paris 1972, vol. 2, pp.
679 – 860, en particulier p. 699 et 708.
26 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 1, 5, p. 438: vitia carnis vel cogitationum.
27 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 1, 11, p. 440: propriis voluntatibus et guilae inlecebris
servientes.
28 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 4, 50, p. 460: cogitationes malas cordi suo advenientes.
29 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 4, 59 – 60, p. 460: desideria carnis non efficere, voluntatem
propriam odire.
30 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 7, 12, p. 476: a peccatis et vitiis, id est cogitationum, linguae,
manuum, pedum vel voluntatis propriae, sed et desideria carnis.
Le corps monastique entre opus Dei et modernité | 23
La Règle de saint Benoît est un texte éminemment pragmatique. ²³ Elle ne s’adresse
pas à des anges, mais à des êtres de chair et de sang: « Tandis que […] nous sommes
en ce corps ». ²⁴
Le corps n’est pas l’ennemi par excellence du moine. Dans la description des
périls qui le menacent, la chair et les pensées sont toujours citées de concert. ²⁵ Les
anachorètes sont capables de combattre « les vices de la chair et des pensées », ²⁶
tandis que les gyrovagues errent, « servant leurs volontés propres et les plaisirs de la
bouche ». ²⁷ Le moine doit briser « les pensées mauvaises qui viennent à son cœur »; ²⁸
conjointement, il doit « ne pas accomplir les désirs de la chair » et « haïr la volonté
propre ». ²⁹ Il lui faut se garder « des péchés et des vices, ceux des pensées, de
la langue, des mains, des pieds ou de la volonté propre, mais aussi des désirs de
la chair », ³⁰ cités ici au dernier rang. Le principal ennemi de l’homme est bien la
ner, vers 625, une « Regula sancti Benedicti abbatis Romensis ». Jacques Froger annonce un travail à
venir sur le sujet qui, à ma connaissance, n’a jamais vu le jour. Il n’est pas sûr qu’une démonstration de ce
genre eût été bien accueillie dans l’univers bénédictin de Dom Froger. Dans les pages qui suivent, par
commodité, nous continuons à appeler « Benoît » l’auteur de la Règle dite « bénédictine ».
23 Benoît prend acte de la situation de l’homme en ce monde comme il prend acte de l’attiédissement du
monachisme en son temps ou de la donne climatique: « les choses étant ce qu’elles sont… »; avant d’être
directif ou prescriptif, son texte est descriptif. Nous citons l’édition latine La Règle de saint Benoît, vol.
1–2, éd. Adalbert de Vogüé/Jean Neufville (Sources chrétiennes 181–182/Série des textes monastiques
d’Occident 34 –35), Paris 1972, pp. 411– 675. Pour son commentaire, nous renvoyons à Adalbert
de Vogüé, Introduction, dans: Ibid., vol. 1, pp. 27– 410; La Règle de saint Benoît, vol. 3, éd. Jean
Neufville (Sources chrétiennes 183/Série des textes monastiques d’Occident 36), Paris 1972; La Règle
de saint Benoît, vols. 4 – 6, éd. Adalbert de Vogüé (Sources chrétiennes 184 –186/Série des textes monastiques
d’Occident 37–39), Paris 1971; La Règle de saint Benoît, vol. 7, éd. Adalbert de Vogüé (Sources
chrétiennes, hors collection), Paris 1977. Adalbert de Vogüé fournit en particulier tous les éléments de
contextualisation de l’œuvre de Benoît par rapport à sa source principale, la Règle du Maître, aux Règles
orientales et occidentales. Notre trop rapide étude a pour effet d’absolutiser le texte bénédictin. Mais c’est
bien ainsi – comme une autorité en soi – qu’il a été pratiqué par le monachisme médiéval en Occident, en
particulier après avoir été imposé à tous les monastères de l’Empire en 817. Pour la bibliographie, voir la
collection Regulae Benedicti Studia, Hildesheim/St. Ottilien, lancée en 1972.
24 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), prologus, 43, p. 422: Dum […] in hoc corpore sumus.
25 Le corps est un lieu neutre; la chair est liée aux vices, aux désirs ou aux péchés. Voir Jean Neufville,
Concordance verbale, dans: La Règle de saint Benoît, vol. 1–2, éd. Adalbert de Vogüé/Jean Neufville
(Sources chrétiennes 181–182/Série des textes monastiques d’Occident 34 –35), Paris 1972, vol. 2, pp.
679 – 860, en particulier p. 699 et 708.
26 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 1, 5, p. 438: vitia carnis vel cogitationum.
27 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 1, 11, p. 440: propriis voluntatibus et guilae inlecebris
servientes.
28 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 4, 50, p. 460: cogitationes malas cordi suo advenientes.
29 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 4, 59 – 60, p. 460: desideria carnis non efficere, voluntatem
propriam odire.
30 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 7, 12, p. 476: a peccatis et vitiis, id est cogitationum, linguae,
manuum, pedum vel voluntatis propriae, sed et desideria carnis.