Le corps monastique entre opus Dei et modernité | 27
cuisine; ⁶⁸ si le travail, le lieu, le temps l’exigent, les rations de nourriture et de vin
peuvent être augmentées, mais sans indigestion ni ivresse. ⁶⁹
Là aussi, c’est l’aspect collectif des repas qui importe, à heure précise, sans lampe,
⁷⁰ dans le silence au plus traversé de signes, ⁷¹ en écoutant la même lecture, qui
devient pensée unique de la communauté se restaurant. ⁷² Cet aspect collectif est si
important qu’un frère en déplacement pour une seule journée ne doit pas manger
hors du monastère ⁷³ et que nul ne doit prendre aliment ou boisson en dehors des
repas communs. ⁷⁴ Avant d’en arriver aux châtiments corporels, ⁷⁵ les fautes légères
(comme le fait d’arriver en retard à l’office ou au repas) sont punies par le fait de
manger seul; ⁷⁶ les fautes plus graves par le fait d’être exclu de table et de l’oratoire. ⁷⁷
Pour constituer le corps monastique collectif, il faut couper chaque moine du
corps social, des liens de sang, des distinctions antérieures. La société monastique
selon Benoît n’est pas « égalitaire », elle est indifférente aux différences. L’abbé ne
marquera pas de préférence entre « l’homme libre » ⁷⁸ et « celui qui vient du servage
». ⁷⁹ Les hommes de haute condition et ceux qui n’ont rien peuvent offrir leurs
fils au monastère de la même manière; les premiers promettront de ne jamais rien
donner à l’oblat, mais feront, s’ils le souhaitent, un don au monastère. ⁸⁰ Une fois
entré, le moine ne peut recevoir lettre ou cadeau de ses parents ⁸¹ et un frère se gardera
bien d’en défendre un autre, même s’ils sont parents. ⁸² Les artisans ne tireront
pas orgueil de leur compétence, ⁸³ pas plus que les prêtres de leur sacerdoce, qui
n’influera pas sur leur rang dans la communauté. ⁸⁴ La Règle se montre particulièrement
défiante envers les prêtres, de même envers le prieur. On comprend que,
s’il se prend pour un second abbé, le prieur risque de transformer la communauté
en un être monstrueux: un corps à deux têtes. Le moine qui revient de voyage doit
68 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 38, pp. 572– 576.
69 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 39, pp. 576 –578 et cap. 40, pp. 578 –580.
70 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 41, pp. 580 – 582.
71 Le silence, en particulier au réfectoire et au dortoir, est encore conséquence du « collectivisme » de la
Règle: un solitaire n’a pas à se taire; voir La Règle de saint Benoît, vol. 5 (note 23 supra), p. 722.
72 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 38, pp. 572– 576.
73 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 51, p. 608.
74 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 43, pp. 586 – 590.
75 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 23, p. 542, cap. 28, pp. 550 –552 et cap. 30, p. 554.
76 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 24, p. 544 et cap. 43, pp. 550 –552.
77 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 25, p. 546 et cap. 44, pp. 592–594. Voir Agamben, De la
très haute pauvreté (note 31 supra), pp. 48 – 50.
78 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 2, 18, p. 444: ingenuus.
79 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 2, 18, p. 444: convertenti ex servitio.
80 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 49, pp. 604 – 606.
81 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 54, pp. 616 – 618.
82 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 69, pp. 664 – 666.
83 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 57, p. 624.
84 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 60, pp. 634 – 636 et cap. 62, pp. 640 – 642.
cuisine; ⁶⁸ si le travail, le lieu, le temps l’exigent, les rations de nourriture et de vin
peuvent être augmentées, mais sans indigestion ni ivresse. ⁶⁹
Là aussi, c’est l’aspect collectif des repas qui importe, à heure précise, sans lampe,
⁷⁰ dans le silence au plus traversé de signes, ⁷¹ en écoutant la même lecture, qui
devient pensée unique de la communauté se restaurant. ⁷² Cet aspect collectif est si
important qu’un frère en déplacement pour une seule journée ne doit pas manger
hors du monastère ⁷³ et que nul ne doit prendre aliment ou boisson en dehors des
repas communs. ⁷⁴ Avant d’en arriver aux châtiments corporels, ⁷⁵ les fautes légères
(comme le fait d’arriver en retard à l’office ou au repas) sont punies par le fait de
manger seul; ⁷⁶ les fautes plus graves par le fait d’être exclu de table et de l’oratoire. ⁷⁷
Pour constituer le corps monastique collectif, il faut couper chaque moine du
corps social, des liens de sang, des distinctions antérieures. La société monastique
selon Benoît n’est pas « égalitaire », elle est indifférente aux différences. L’abbé ne
marquera pas de préférence entre « l’homme libre » ⁷⁸ et « celui qui vient du servage
». ⁷⁹ Les hommes de haute condition et ceux qui n’ont rien peuvent offrir leurs
fils au monastère de la même manière; les premiers promettront de ne jamais rien
donner à l’oblat, mais feront, s’ils le souhaitent, un don au monastère. ⁸⁰ Une fois
entré, le moine ne peut recevoir lettre ou cadeau de ses parents ⁸¹ et un frère se gardera
bien d’en défendre un autre, même s’ils sont parents. ⁸² Les artisans ne tireront
pas orgueil de leur compétence, ⁸³ pas plus que les prêtres de leur sacerdoce, qui
n’influera pas sur leur rang dans la communauté. ⁸⁴ La Règle se montre particulièrement
défiante envers les prêtres, de même envers le prieur. On comprend que,
s’il se prend pour un second abbé, le prieur risque de transformer la communauté
en un être monstrueux: un corps à deux têtes. Le moine qui revient de voyage doit
68 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 38, pp. 572– 576.
69 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 39, pp. 576 –578 et cap. 40, pp. 578 –580.
70 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 41, pp. 580 – 582.
71 Le silence, en particulier au réfectoire et au dortoir, est encore conséquence du « collectivisme » de la
Règle: un solitaire n’a pas à se taire; voir La Règle de saint Benoît, vol. 5 (note 23 supra), p. 722.
72 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 38, pp. 572– 576.
73 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 51, p. 608.
74 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 43, pp. 586 – 590.
75 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 23, p. 542, cap. 28, pp. 550 –552 et cap. 30, p. 554.
76 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 24, p. 544 et cap. 43, pp. 550 –552.
77 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 25, p. 546 et cap. 44, pp. 592–594. Voir Agamben, De la
très haute pauvreté (note 31 supra), pp. 48 – 50.
78 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 2, 18, p. 444: ingenuus.
79 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 2, 18, p. 444: convertenti ex servitio.
80 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 49, pp. 604 – 606.
81 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 54, pp. 616 – 618.
82 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 69, pp. 664 – 666.
83 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 57, p. 624.
84 La Règle de saint Benoît (note 23 supra), cap. 60, pp. 634 – 636 et cap. 62, pp. 640 – 642.